le 8 mars n'est pas "la fête de la femme"
Malgré les années qui passent et l’avancée dans les luttes féministes, ce 8 mars 2021, je constate qu’on doit encore expliquer ce qu’est cette journée.
« Bonne fête ! »
« Bonne journée des femmes les filles »
« Belle journée à toutes » + mms photo de roses
Si tu fais partie des personnes qui ont reçu des messages comme ça, tape dans tes mains. Je tape dans mes mains perso. Mais ça me fait pas vraiment rire. Je suis née en Bulgarie, pays dans lequel le 8 mars on célèbre les mamans avec un joli poème à base de chère maman qu’est-ce que tu es gentille et douce, je t’aime. Puis on célèbre les femmes en leur offrant des fleurs, du chocolat, en les emmenant au restaurant, en les gâtant. J’ai donc grandi dans l’idée que le 8 mars on disait « Vive les femmes » sans s’intéresser à leur place dans la société et les inégalités auxquelles elles font face. Je n’ai pas vu le mal pendant des années, comme, probablement, beaucoup qui liront cet article, puis, j’ai grandi, j’ai compris ce qu’est être une femme dans notre société, et je sais pour quoi on doit lutter tous les jours. J’ai compris que je ne veux pas qu’on me qualifie de douce, de tendre, mais de courageuse, de battante, d’ambitieuse, de fonceuse.
Alors chaque année, quand le 8 mars arrive, je suis sceptique. Est-ce que je passe pour la relou de service auprès de ma famille qui est restée ancrée sur ces traditions bulgares en leur expliquant que c’est mignon mais que ce n’est pas ça le 8 mars ? Honnêtement, je dois vous avouer que je n’en n’ai pas la force. Je ne serais pas comprise et je passerais pour la casseuse d’ambiance. Flemme.
Féministe, mais seulement le 8 mars, grosse promo -20% sur l’hypocrisie
Au grand désarroi de beaucoup de marques, engagées quand ça les arrange, non, le 8 mars n’est pas une fête dédiée aux femmes. Comme beaucoup d’entre vous, ça fait des jours que je vois des publicités promotionnelles pour des fleurs, des bagues, du chocolat, et j’en passe. Et chaque année je me demande qui travaille au service marketing de ces entreprises ? Est-ce qu’elles ont accès à Internet ? aux informations ? Qui s’occupe de ces campagnes ?
On appelle ça du feminism washing, c’est-à-dire, la récupération du féminisme par les grandes entreprises (à lire : Féminisme washing : Quand les entreprises récupèrent la cause des femmes de Léa Lejeune). Les entreprises cherchent à réaliser des bénéfices financiers en axant toute leur communication sur les femmes le temps d’une journée avec des offres promotionnelles uniques.
Le problème c’est que la plupart de ces marques sont féministes uniquement quand ça les arrange. Le reste de l’année, elles ne communiquent pas du tout sur la place de la femme dans la société. Elles s’auto proclament alors engagées dans la cause féministe dans le seul et unique but de liquider leurs stocks.
Mais alors, elle sert à quoi cette journée ?
Avant tout, le 8 mars est une journée symbolique pour rappeler que des inégalités entre les genres, et plus précisément entre les femmes et les hommes, marquent notre société, et ce depuis toujours. Cela sous entend que le combat est quotidien.
En mars 2021, je peux sans aucun doute vous affirmer que les femmes ne sont pas en sécurité dans la rue. Que des dizaines de femmes meurent chaque année sous les coups de leur (ex)-conjoint. Que les inégalités salariales persistent. Que tomber enceinte est une menace pour leurs emplois. Que les femmes doivent payer pour leurs protections hygiéniques. Qu’une femme qui a plusieurs partenaires est une traînée. Qu’une femme qui fait des blagues sexuelles est vulgaire. Que le sexisme ordinaire est banalisé, ce qui induit que les femmes sont humiliées et dénigrées via des « blagues » destinées aux hommes. Que les femmes ont ne se sentent pas en sécurité dans les Uber. Que des hommes continuent à parler à la place des femmes. Que les femmes ne sont pas libre de s’habiller comme elles le veulent, de marcher seule dehors la nuit, de s’exprimer comme elles le veulent en société. Que les femmes sont moins présentes dans les médias, dans le gouvernent.
Voilà pourquoi, en partie, le 8 mars existe.
Est-ce que nous offrir une rose changera ne serait-ce qu’une de ces affirmations ? Non. Oui, je soutiens les femmes et personnes sexisé.e.s qui refusent les cadeaux commerciaux pour « la journée de la femme » car c’est ainsi que nous pourrons marquer le changement et arrêter d’assimiler un combat d’utilité publique à une opération marketing.
Bravo à celles.ceux qui luttent au quotidien, qui marchent dans la rue, qui militent de chez elles.eux, qui ont la patience de rééduquer les anciennes générations, qui se tiennent debout. Nous sommes tous.tes ensemble. Le 8 mars c’est tous les jours.