Faire un bébé toute seule. Derrière ce refrain entêtant se cache un désir et une réalité : celle de devenir mère sans partenaire grâce à un parcours de PMA.
Amélie, 37 ans, Strasbourgeoise a fait ce choix et nous a confié les détails de ce parcours de combattante avec un objectif : lever les tabous. C’est au creux de sa véranda, entourée de plantes qu’elle nous raconte son histoire.
Le désir d’enfant ? « Une évidence depuis que j’ai l’âge de 16 ans ». Un mélange de phrases d’adultes glissées à son oreille de jeune fille et d’une envie d’envelopper d’amour un petit être humain.
À partir de ses 30 ans, Amélie voit ses proches fonder leurs familles : « à ce moment-là je me demande quand est-ce que cela va m’arriver. Même si à cette époque j’habite à l’étranger et n’en suis pas là complètement. » confie-t-elle. Au fil des années, ce désir va se renforcer, appuyé par un sentiment d’urgence : la fameuse horloge biologique.
Un bébé, oui, mais pas avec n’importe qui et pas à n’importe quel prix
Il y a deux ans, alors en cours de séparation d’un partenaire avec lequel elle a partagé plusieurs années de sa vie, Amélie apprend sa grossesse. Une nouvelle qui va lui demander de placer le curseur entre son envie de devenir mère et celle d’être liée à vie avec le géniteur. Elle décide de recourir à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Une décision qu’elle a prise « sans regrets et cela ne regarde de toute façon, que moi » puisqu’il ne lui était pas envisageable pour elle d’accueillir un enfant dans ce contexte.
Désormais célibataire, elle sentit le besoin d’agir pour assouvir son désir de parentalité, même sans partenaire avec qui mener ce projet de vie.
Son idée première : la congélation d’ovocytes. « Je me disais, bon mes 37 ans approchent maintenant il y a la PMA pour toutes… je vais pouvoir le faire dans mon pays ! J’aurais pu le faire à l’étranger mais je n’en avais pas envie pour des raisons de principes. »
Faire un bébé toute seule, c’est avant tout courir après les papiers
Amélie se lance dans les démarches à Strasbourg avec un premier rendez-vous gynécologique et les tests associés. La deuxième étape ? Prendre rendez-vous au Centre Médico-chirurgical Obstétrique (CMCO) : « C’est ça qui dure le plus longtemps : les délais entre les rendez-vous. Ils sont tellement peu nombreux face au nombre de demandes que j’ai eu quatre mois d’attente. »
Le début d’une lourdeur administrative mais aussi émotionnelle. « Les gens s’attendent à ce qu’on vienne à deux pour ce type de rendez-vous. Ils sont assez mal à l’aise avec les femmes seules qui veulent faire un enfant. Même nous en tant que femme seule tu te retrouves dans des endroits ou y a que des femmes enceintes, que des couples. Parfois ça remet sur les épaules une forme de solitude qui n’est que celle que les autres nous font ressentir. » Une confrontation directe à sa situation qui sort du schéma traditionnel.
Elle ressent son rendez-vous au CMCO comme étant un peu court et expéditif. Elle y apprend que la congélation d’ovocytes dite de confort (puis ce que ce n’est pas lié à une pathologie ou un parcours de PMA avec un partenaire) est autorisée jusqu’à l’âge de 37 ans. Or Amélie souffle cette nouvelle bougie dans trois mois.
Savoir rebondir pour aller au bout de ses désirs
Une annonce choc, puisqu’aucun.e des interlocuteur.rice.s du corps médical avec qui elle a déjà abordé ce sujet ne lui en ont fait part. S’ensuit une déception immense tant sur le fond que sur la forme. Son projet de congélation d’ovocytes est refusé ; elle l’apprend par téléphone de la bouche de la secrétaire plutôt que du médecin en charge de son dossier. Amélie déplore : « J’étais déçue. J’ai envoyé un mail un peu incendiaire au chef de service où on me répond que je n’ai qu’à aller à l’étranger pour le faire. Là, j’étais vraiment remontée ! Ils ne se rendent pas compte de l’impact que cela peut avoir sur les personnes ce genre de nouvelles. Je l’ai hyper mal vécu. On te dit que tu es trop vieille pour procréer, que tout va être compliqué, qu’on va pas t’aider et qu’il faut aller à l’étranger … alors que je suis dans mon droit !»
Après avoir digéré ce refus, Amélie décide d’avoir recours à une autre solution : la PMA par insémination artificielle et donc don de sperme.
Trois mois d’attente et un nouveau dossier administratif plus tard, Amélie se rend au Centre d’Etude et de Conservation des Œufs et du Sperme Humain (CECOS) ou elle rencontre une biologiste : « Elle a vraiment pris le temps d’être à mon écoute et de répondre à mes questions. »
Usine à bébés ou projet accompagné : un impact conséquent sur le budget des futurs parents en parcours de PMA
Le parcours de PMA avec insémination par don est très cadré en France : un.e donneur.se a 6 rendez-vous médicaux (psychologue, test caryotype, vérification de l’arbre généalogique …) avant de pouvoir réaliser le don. Cela crée un climat de confiance mutuel entre toutes les parties, un point extrêmement important pour Amélie « on est loin des usines à bébé qu’on peut avoir ailleurs en Europe ou y a un vrai business. Je ne dis pas que ça ne fonctionne pas, mais la démarche est différente ». Le but premier en France est de s’assurer que l’enfant arrivera dans un foyer en toute sécurité.
Avec l’ouverture à la PMA pour toutes, le nombre de demandes est multiplié par dix. Dans le Grand Est, deux personnes sont formées pour réaliser les actes médicaux associés. Nous sommes effectivement loin des usines à bébés de nos voisins. Mais n’y aurait-il pas un juste milieu à trouver ?
Mener un projet de parentalité chez nos voisins européens coûte environ 5 000€ pour l’Espagne ou la Belgique par exemple. En France, c’est 150€ pour l’acte notarié de reçu de don et les éventuels frais de déplacement pour se rendre aux rendez-vous.
Cependant, face au manque d’effectif, le corps médical incite parfois les patient.e.s à se rendre à l’étranger. C’est le cas pour Amélie, en raison de son âge. Mais pour celleux qui n’auraient pas le budget, il n’y a qu’un seul recours : le réseau off. Au fil de ses recherches sur le sujet, Amélie découvre l’envers du réseau de co-parenting. À savoir la procréation avec des partenaires divers au moment de l’ovulation de la femme ou encore des inséminations faites maison. Cela ne lui convient pas.
La communication et la prise d’informations comme solutions pour alléger la pression sur la maternité
Face aux obstacles, Amélie trouve des solutions dans le dialogue et la prise d’informations: « Si vous avez un désir d’enfant, n’hésitez pas à en parler assez tôt. Vous n’avez pas l’obligation d’aller jusqu’au bout, mais cela permet de préparer le terrain même si c’est pour concrétiser le projet dans 1 ou 2 ans. On peut s’arrêter à tout moment ! Pour moi, ça ne doit plus être un tabou alors parlez-en ! Tout le monde va avoir son avis, mais ça permet de concrétiser le projet et de se sentir entouré. Et puis, se confronter à des avis divergents prépare pour la batterie de questions qui sera posée par les équipes médicales tout au long du parcours. »
Se sentir légitime d’exprimer son envie de maternité et de construire ce projet sans attendre d’avoir un partenaire, pourrait aussi enlever une pression aux femmes célibataires cisgenres désireuses de devenir mère. Celle de devoir le faire maintenant parce que c’est « le bon moment » quitte à se bloquer dans ses études, ne pas accomplir certains projets ou se lier à vie avec un partenaire à contre-cœur. Cela permettra également de mobiliser les ressources françaises qui proposent un cadre sain et gratuit.
La patience : une vertu nécessaire en parcours de PMA
Amélie est proche du but : elle a décroché un rendez-vous avec un.e psychologue au mois d’août. S’en suivra encore quelques mois d’attente et de tests médicaux avant de procéder aux premiers essais d’insémination. Si tout se déroule comme prévu, il lui aura fallu un an et demi entre le premier rendez-vous et la première insémination. Un parcours de PMA qu’elle poursuit grâce au soutien de ses proches, et pour lequel on lui envoie toute notre force !
À toi qui nous lis, peut-être que tu te poses des questions sur le projet à mener pour devenir parent. Nous espérons que de ce partage d’expérience, tu en tireras une chose : décroches ton téléphone et en parler avec ton ami.e/ partenaire/ médecin/ parent lorsque tu te sentiras prêt.e. D’ici là, n’oublie pas que tu n’es pas seul.e !
Pour aller plus loin Amélie vous recommande ce podcast : Les Pieds sur terre “Journal d’un donneur de sperme”