Le cyberharcèlement est un type de harcèlement aujourd’hui connu de toustes. Cependant, cette haine en ligne continue de se développer au même rythme qu’Internet et les réseaux sociaux. Certaines personnalités, victimes de haine en ligne, la combattent aujourd’hui à travers leurs réseaux d’influences.
Internet, un déversoir de haine ?
Quand Internet est apparu et s’est généralisé, les gens se sont dit, génial ! On va pouvoir échanger avec des gens du monde entier, tout le monde va pouvoir s’exprimer ! Sauf qu’assez vite, on s’est rendu compte qu’il y avait un problème. Certes, les idées circulaient plus rapidement. Mais du coup, les discours de haine aussi. Et c’est fou, toute la haine qu’on peut voir se déverser sur Internet.
Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. L’immédiateté des échanges libère des réactions affectives “à chaud” ; l’anonymat réduit les inhibitions ; on est “noyé dans la masse” même si on garde son vrai nom, sur Facebook par exemple ; les contenus peuvent circuler facilement en étant partagés ; n’importe lequel peut être commenté. Internet a créé un nouvel espace où le meilleur, mais aussi le pire de l’humanité peut s’exprimer. Cela a généré une nouvelle forme de violence : le cyberharcèlement, ou harcèlement sur Internet.
D’après Service-Publics.gouv, “Le harcèlement est le fait de tenir des propos ou d’avoir des comportements répétés ayant pour but ou effet une dégradation des conditions de vie de la victime. Cela se traduit par une dégradation de la santé physique ou mentale de la personne harcelée (anxiété, maux de ventre….) C’est la fréquence des propos et leur teneur insultante, obscène ou menaçante qui constitue le harcèlement. Le harcèlement en ligne est un harcèlement s’effectuant via internet (sur un réseau social, un forum, un jeu vidéo multijoueurs, un blog…)”. Il est certes puni par la loi, mais dans les faits, les procès sont rares ; peu de personnes sont poursuivies en justice. D’une part, parce qu’il est difficile d’identifier les auteurices et d’autre part, parce que peu de moyens sont mis à disposition.
Le cyberharcèlement touche souvent des personnalités publiques. Il peut être le fait de personnes individuelles cherchant à nuire à une célébrité, par la moquerie ou l’insulte, mais il peut aussi être mené de manière coordonnée, en “meute”. Les propos tenus ont souvent un fond discriminatoire : sexisme, racisme, grossophobie, homophobie, transphobie sont monnaie courante. Ils visent à blesser, à déshumaniser, à intimider les personnes visées, et in fine, à les faire disparaître du cyberespace. Il se trouve que le harcèlement de rue, une autre forme de violence sexiste, répond à la même logique – une logique de silenciation. Pour Florence Hainaut et Myriam Leroy, journalistes, il s’agit d’une véritable épidémie de haine envers les femmes et les minorités, qui se déroule dans l’indifférence générale. Et cette épidémie a des effets.
Debout contre les haters : du harcèlement en ligne à la résilience
Beaucoup de personnes ont fait et font encore aujourd’hui l’expérience de la haine en ligne. Certaines d’entre elles comme des journalistes, influenceureuses ou célébrités ont utilisé leur plateforme pour dénoncer ces violences et raconter leurs expériences.
Marion Séclin
Marion Séclin est une actrice, vidéaste web, réalisatrice et militante féministe française. En juin 2016, elle publie sur le site mademoiZelle.com une vidéo sur le harcèlement de rue : T’as été harcelée mais… t’as vu comment t’étais habillée ?. Suite à cette publication, le youtubeur d’extrême droite Raptor dissident critique le travail de Marion Séclin dans une vidéo où il tient des propos antiféministes et violents envers elle. La vidéo fait le buzz et la machine du cyberharcèlement se met en marche. La militante féministe dira alors avoir reçu plus de 40 000 messages d’insultes sexistes ou encore des menaces de viol et de mort. Depuis elle lutte contre le cyberharcèlement à travers son travail de réalisatrice ou en prenant la parole publiquement comme dans sa conférence TEDx de novembre 2017.
Julie Bullier
Julie (aka @lafillequiadestaches sur Instagram) a été victime de plusieurs formes de harcèlement, notamment de cyberharcèlement. Cette dernière a une particularité physique : elle est née avec des angiomes sur 70% du corps. Cette anomalie vasculaire fait apparaître des taches couleur rubis sur des zones plus ou moins larges du corps. Plus jeune, sa différence lui a valu le surnom de “la fille qui a des taches”. Voulant faire circuler un message de bienveillance, Julie organise un “tache-tache tour” au cours duquel elle participe à des ateliers dans les établissements scolaires (de tous niveaux). Elle sensibilise les élèves au fléau du harcèlement scolaire dans un premier temps mais les met aussi en garde contre les dangers des réseaux sociaux.
À l’heure actuelle, Julie est toujours victime de haters qui l’agressent essentiellement par rapport à son physique. Elle leur répond avec humour, en faisant de ses agressions une force. Solaire et pleine de joie de vivre, elle aide sa communauté à s’accepter tel.le.s qu’iels sont, à s’aimer.
Bilal Hassani
Bilal Hassani est un chanteur français. D’abord découvert sur l’émission The Voice Kids, il est surtout connu pour avoir participé à l’Eurovision en 2019 avec la chanson “Roi”, prônant l’acceptation de soi. Il est très présent sur les réseaux sociaux, par exemple YouTube où il compte plus d’un million d’abonné.e.s. Après avoir fait son coming-out sur Twitter en 2017, il adopte un look androgyne, s’illustrant par ses multiples perruques colorées. C’est à partir de ce moment-là qu’il devient victime d’une vague de cyberharcèlement homophobe très violente. ll décide de ne pas garder le silence : il porte plainte contre X et parcourt les plateaux télé pour parler du phénomène. Son histoire est à présent abordée dans un manuel scolaire d’histoire et d’éducation civique, dans un chapitre consacré au cyberharcèlement. Une belle initiative, qui contribuera à sensibiliser les jeunes à ce sujet.
Recommandations sur la haine en ligne
Documentaire #salepute – Florence Hainault et Myriam Leroy (2021)
Réalisé par les journalistes belges Florence Hainault et Myriam Leroy, ce documentaire de cinquante-sept minutes donne la parole à des femmes victimes de cyberharcèlement. Journaliste, entrepreneuse, youtubeuse, autrice, ou encore avocate, ces femmes de différentes origines témoignent du sexisme et des violences dont elles ont été victimes. Leur point commun ? Avoir subi de la cyberviolence comme 73% des femmes dans le monde. Preuve que le cyber sexisme est bel et bien un phénomène systémique.
Combattre le cybersexisme – Association Stop Fisha (2021)
D’après un sondage datant de 2020, les femmes ont 27 fois plus de possibilités d’être victime de cyberharcèlement que les hommes. Cet ouvrage engagé a été produit par le collectif Stop Fisha qui poursuit les harceleureuses, dénonce et apporte une aide juridique aux victimes de violences sur les réseaux. Ce livre est un guide pour les victimes et pour celleux qui veulent trouver des moyens de lutter contre le cybersexisme.
Féminisme et réseaux sociaux – Elvire Duvelle-Charles (2022)
Dans cet essai, l’activiste, journaliste et réalisatrice Elvire Duvelle-Charles a recueilli différents témoignages d’influenceuses féministes. Iels ont participé à l’explosion du militantisme féministe sur les réseaux sociaux. Néanmoins, elles parlent aussi de ce qu’une telle influence peut générer: addiction, crise du militantisme et aussi haine en ligne. L’autrice nous fait aussi part de son expérience personnelle avec les réseaux sociaux et de la violence que produit ce « militantisme digital ».
En finir avec les violence sexistes et sexuelles – Caroline De Haas (2021)
Le célèbre manuel d’action conçu par l’association #Noustoutes et sa présidente Caroline De Haas est un livre d’utilité publique. Les auteurices y déclinent en trente-sept chapitres les différentes sortes de violences auxquelles les personnes sexisées peuvent être confrontées. Un chapitre est d’ailleurs consacré au cyberharcèlement. On y trouve des solutions juridiques ainsi que des moyens d’actions pour lutter et tenter d’éradiquer les violences sexistes et sexuelles.
Bibliographie
MONNIER Angeliki et SEOANE Annabelle, « Discours de haine sur l’internet » Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 12 juin 2019. Dernière modification le 23 août 2021. URL : http://publictionnaire.huma-num.fr/notice/discours-de-haine-sur-linternet