Cet article évoque la prévention contre les violences sexistes et sexuelles en période estivale (aggressions à la seringue et VSS en milieu nocturne).
Temps de lecture : 4 minutes
Agressions à la seringue : ce qu’il faut savoir
Piqûres et injections de substances
Quand on parle “d’agression à la seringue”, on parle d’une personne, un.e agresseur.euse donc, qui vient piquer, voire injecter une substance dans le corps d’une autre personne sans que cette dernière soit au courant. L’agresseur agit par surprise et donc sans consentement. En grande majorité, ce sont les personnes sexisées qui en sont victimes et les hommes qui sont les agresseurs. La répression de ces actes est aujourd’hui très floue et c’est pour cela que la prévention est indispensable.
Tout d’abord, rappelons qu’au même titre que le fait de verser des substances dans des verres, les injecter est aussi puni par la loi. L’article 222-30-2 du Code Pénal dipose que “le fait d’administrer à une personne, à son insu, une substance de nature à altérer son discernement où le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle” est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Aujourd’hui, nous faisons face à des agresseurs qui n’injectent pas forcément des substances mais viennent aussi piquer leurs victimes. Acte tout aussi dangereux, car, bien que la conscience n’est pas altérée, c’est une façon de transmettre des maladies et/ou d’instaurer la peur.
Il faut savoir que ce phénomène n’est pas nouveau. En effet, comme le rappelle Marion Delpech cofondatrice d’Act Right, pendant les années 80, au début de l’épidémie de Sida, des actes semblables avaient eu lieu. Les “piqueurs” attaquaient leurs victimes avec des épingles à nourrices et autres compas.
Un phénomène qui prend de l’ampleur depuis le début de l’été
Le Ministère de l’Intérieur comptabilise plus de mille plaintes pour « suspicion d’injection de substances » entre début janvier et mi-juin. Le jour de la Fête de la Musique, mardi 21 juin dernier, le nombre d’agressions recensées a explosé dans beaucoup de régions en France.
DBSP propose depuis quelques mois des stands de sensibilisation et de prévention dans la vie nocturne et festivalière.
Le pôle prévention de l’association Dis Bonjour Sale Pute
Malgré une certaine libération de la parole sur ce sujet (appels à témoignages, articles de journaux, etc), le phénomène de soumission chimique volontaire se poursuit, notamment avec la réouverture des bars et boîtes de nuit. Les témoignages se multiplient sur les réseaux sociaux. Cependant les actions mises en place, tant par les établissements concernés que par les forces de l’ordre ne semblent pas être à la hauteur de la gravité des faits. Les conséquences sur les victimes sont pourtant nombreuses, tant sur le plan physique que psychologique.
Les actions de notre pôle prévention
Dans le cadre de son action globale contre les violences sexistes et sexuelles, l’association DBSP a créé un pôle de prévention dédié au milieu festif et nocturne qui intervient lors de festivals ou de soirées. L’équipe de prévention, formée par l’association, est présente d’une part pour sensibiliser le public aux violences sexistes et sexuelles par le biais d’outils ludiques, mais également d’être présente sur place et de vérifier que tout se passe bien. En cas de problème, les bénévoles sont à même d’intervenir, en étroite collaboration avec la sécurité du lieu, et peuvent accompagner les éventuelles victimes. Un lieu dédié est organisé (safe zone), afin d’accueillir d’éventuelles victimes et de les mettre en sécurité. L’association se charge également de former et sensibiliser le staff de l’établissement ou du festival sur demande.
Pour certains établissements, il s’agit d’une réponse directe aux agresseurs. Travailler en collaboration avec une association comme DBSP leur permet de réagir et de prévenir d’autres incidents potentiels. Outre la formation et la sensibilisation de l’équipe de l’établissement, DBSP propose également de fournir des affiches, flyers, stickers, à messages forts, harcèlomètre et cocottes anti sexiste. Ces outils permettent de sensibiliser le public et de faire un rappel de la loi en ouvrant le dialogue.
Quelques conseils …
Tant que ces comportements malveillants n’auront pas disparu (et on milite pour que ce soit le cas), quelques conseils pour les éventuelles victimes :
prévenir une personne de l’entourage, du staff, d’une association éventuellement présente sur place pour être pris.e en charge ;
se faire dépister le plus rapidement possible à l’hôpital ;
si possible, porter plainte ;
l’association peut accompagner les victimes si besoin pour se faire dépister, porter plainte ;
Si cela devait malheureusement arriver : tu n’es pas seul.e, on te croit. Ce n’est pas de ta faute, seule la personne malveillante est responsable. Prends soin de toi.
… et pour toutes les personnes qui apprécient faire la fête et qui souhaitent le faire dans un environnement bienveillant :
Veiller sur son entourage et ne pas hésiter à regarder autour de soi pour repérer une éventuelle situation problématique.
Si besoin, ne pas hésiter à se tourner vers le staff, organisateur.rice.s de la soirée, membres d’une association éventuellement présent.e.s sur place pour avoir de l’aide : si possible alerter plutôt qu’agir.
Et après ?
Si les organisateur.rice.s et les associations luttent pour prévenir les potentielles victimes d’agressions à la seringue, iels ne peuvent pas y mettre fin et condamner les agresseurs sans aide.
Ainsi, une question persiste : que font réellement les forces de l’ordre et le gouvernement pour éradiquer ces agressions et condamner les agresseurs ?
Faire un bébé toute seule. Derrière ce refrain entêtant se cache un désir et une réalité : celle de devenir mère sans partenaire grâce à un parcours de PMA.
Amélie, 37 ans, Strasbourgeoise a fait ce choix et nous a confié les détails de ce parcours de combattante avec un objectif : lever les tabous. C’est au creux de sa véranda, entourée de plantes qu’elle nous raconte son histoire.
Le désir d’enfant ? « Une évidence depuis que j’ai l’âge de 16 ans ». Un mélange de phrases d’adultes glissées à son oreille de jeune fille et d’une envie d’envelopper d’amour un petit être humain.
À partir de ses 30 ans, Amélie voit ses proches fonder leurs familles : « à ce moment-là je me demande quand est-ce que cela va m’arriver. Même si à cette époque j’habite à l’étranger et n’en suis pas là complètement. » confie-t-elle. Au fil des années, ce désir va se renforcer, appuyé par un sentiment d’urgence : la fameuse horloge biologique.
Un bébé, oui, mais pas avec n’importe qui et pas à n’importe quel prix
Il y a deux ans, alors en cours de séparation d’un partenaire avec lequel elle a partagé plusieurs années de sa vie, Amélie apprend sa grossesse. Une nouvelle qui va lui demander de placer le curseur entre son envie de devenir mère et celle d’être liée à vie avec le géniteur. Elle décide de recourir à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Une décision qu’elle a prise « sans regrets et cela ne regarde de toute façon, que moi » puisqu’il ne lui était pas envisageable pour elle d’accueillir un enfant dans ce contexte.
Désormais célibataire, elle sentit le besoin d’agir pour assouvir son désir de parentalité, même sans partenaire avec qui mener ce projet de vie.
Son idée première : la congélation d’ovocytes. « Je me disais, bon mes 37 ans approchent maintenant il y a la PMA pour toutes… je vais pouvoir le faire dans mon pays ! J’aurais pu le faire à l’étranger mais je n’en avais pas envie pour des raisons de principes. »
Faire un bébé toute seule, c’est avant tout courir après les papiers
Amélie se lance dans les démarches à Strasbourg avec un premier rendez-vous gynécologique et les tests associés. La deuxième étape ? Prendre rendez-vous au Centre Médico-chirurgical Obstétrique (CMCO) : « C’est ça qui dure le plus longtemps : les délais entre les rendez-vous. Ils sont tellement peu nombreux face au nombre de demandes que j’ai eu quatre mois d’attente. »
Le début d’une lourdeur administrative mais aussi émotionnelle. « Les gens s’attendent à ce qu’on vienne à deux pour ce type de rendez-vous. Ils sont assez mal à l’aise avec les femmes seules qui veulent faire un enfant. Même nous en tant que femme seule tu te retrouves dans des endroits ou y a que des femmes enceintes, que des couples. Parfois ça remet sur les épaules une forme de solitude qui n’est que celle que les autres nous font ressentir. » Une confrontation directe à sa situation qui sort du schéma traditionnel.
Elle ressent son rendez-vous au CMCO comme étant un peu court et expéditif. Elle y apprend que la congélation d’ovocytes dite de confort (puis ce que ce n’est pas lié à une pathologie ou un parcours de PMA avec un partenaire) est autorisée jusqu’à l’âge de 37 ans. Or Amélie souffle cette nouvelle bougie dans trois mois.
Savoir rebondir pour aller au bout de ses désirs
Une annonce choc, puisqu’aucun.e des interlocuteur.rice.s du corps médical avec qui elle a déjà abordé ce sujet ne lui en ont fait part. S’ensuit une déception immense tant sur le fond que sur la forme. Son projet de congélation d’ovocytes est refusé ; elle l’apprend par téléphone de la bouche de la secrétaire plutôt que du médecin en charge de son dossier. Amélie déplore : « J’étais déçue. J’ai envoyé un mail un peu incendiaire au chef de service où on me répond que je n’ai qu’à aller à l’étranger pour le faire. Là, j’étais vraiment remontée ! Ils ne se rendent pas compte de l’impact que cela peut avoir sur les personnes ce genre de nouvelles. Je l’ai hyper mal vécu. On te dit que tu es trop vieille pour procréer, que tout va être compliqué, qu’on va pas t’aider et qu’il faut aller à l’étranger … alors que je suis dans mon droit !»
Après avoir digéré ce refus, Amélie décide d’avoir recours à une autre solution : la PMA par insémination artificielle et donc don de sperme.
Trois mois d’attente et un nouveau dossier administratif plus tard, Amélie se rend au Centre d’Etude et de Conservation des Œufs et du Sperme Humain (CECOS) ou elle rencontre une biologiste : « Elle a vraiment pris le temps d’être à mon écoute et de répondre à mes questions. »
Usine à bébés ou projet accompagné : un impact conséquent sur le budget des futurs parents en parcours de PMA
Le parcours de PMA avec insémination par don est très cadré en France : un.e donneur.se a 6 rendez-vous médicaux (psychologue, test caryotype, vérification de l’arbre généalogique …) avant de pouvoir réaliser le don. Cela crée un climat de confiance mutuel entre toutes les parties, un point extrêmement important pour Amélie « on est loin desusines à bébé qu’on peut avoir ailleurs en Europe ou y a un vrai business. Je ne dis pas que ça ne fonctionne pas, mais la démarche est différente ». Le but premier en France est de s’assurer que l’enfant arrivera dans un foyer en toute sécurité.
Avec l’ouverture à la PMA pour toutes, le nombre de demandes est multiplié par dix. Dans le Grand Est, deux personnes sont formées pour réaliser les actes médicaux associés. Nous sommes effectivement loin des usines à bébés de nos voisins. Mais n’y aurait-il pas un juste milieu à trouver ?
Mener un projet de parentalité chez nos voisins européens coûte environ 5 000€ pour l’Espagne ou la Belgique par exemple. En France, c’est 150€ pour l’acte notarié de reçu de don et les éventuels frais de déplacement pour se rendre aux rendez-vous.
Cependant, face au manque d’effectif, le corps médical incite parfois les patient.e.s à se rendre à l’étranger. C’est le cas pour Amélie, en raison de son âge. Mais pour celleux qui n’auraient pas le budget, il n’y a qu’un seul recours : le réseau off. Au fil de ses recherches sur le sujet, Amélie découvre l’envers du réseau de co-parenting. À savoir la procréation avec des partenaires divers au moment de l’ovulation de la femme ou encore des inséminations faites maison. Cela ne lui convient pas.
La communication et la prise d’informations comme solutions pour alléger la pression sur la maternité
Face aux obstacles, Amélie trouve des solutions dans le dialogue et la prise d’informations: « Si vous avez un désir d’enfant, n’hésitez pas à en parler assez tôt. Vous n’avez pas l’obligation d’aller jusqu’au bout, mais cela permet de préparer le terrain même si c’est pour concrétiser le projet dans 1 ou 2 ans. On peut s’arrêter à tout moment ! Pour moi, ça ne doit plus être un tabou alors parlez-en ! Tout le monde va avoir son avis, mais ça permet de concrétiser le projet et de se sentir entouré. Et puis, se confronter à des avis divergents prépare pour la batterie de questions qui sera posée par les équipes médicales tout au long du parcours. »
Se sentir légitime d’exprimer son envie de maternité et de construire ce projet sans attendre d’avoir un partenaire, pourrait aussi enlever une pression aux femmes célibataires cisgenres désireuses de devenir mère. Celle de devoir le faire maintenant parce que c’est « le bon moment » quitte à se bloquer dans ses études, ne pas accomplir certains projets ou se lier à vie avec un partenaire à contre-cœur. Cela permettra également de mobiliser les ressources françaises qui proposent un cadre sain et gratuit.
La patience : une vertu nécessaire en parcours de PMA
Amélie est proche du but : elle a décroché un rendez-vous avec un.e psychologue au mois d’août. S’en suivra encore quelques mois d’attente et de tests médicaux avant de procéder aux premiers essais d’insémination. Si tout se déroule comme prévu, il lui aura fallu un an et demi entre le premier rendez-vous et la première insémination. Un parcours de PMA qu’elle poursuit grâce au soutien de ses proches, et pour lequel on lui envoie toute notre force !
À toi qui nous lis, peut-être que tu te poses des questions sur le projet à mener pour devenir parent. Nous espérons que de ce partage d’expérience, tu en tireras une chose : décroches ton téléphone et en parler avec ton ami.e/ partenaire/ médecin/ parent lorsque tu te sentiras prêt.e. D’ici là, n’oublie pas que tu n’es pas seul.e !
La procréation médicalement assistée (PMA) permet d’aider une personne seule de genre féminin cisgenre ou un couple lesbien cisgenre ou hétérosexuel à concevoir sans rapport sexuel. Les personnes ayant des problèmes de fertilité ou atteintes de maladies transmissibles peuvent y avoir recours
Il existe différentes techniques dont l’insémination artificielle, la fécondation in-vitro et l’accueil d’embryon. L’Assurance Maladie rembourse ses actes sous certaines conditions et en nombre limité.
La PMA dans le droit français : quelques avancées…
Des débuts timides construits grâce à la jurisprudence
La PMA apparaît dans le débat public français le 24 février 1982 avec la naissance d’Amandine le premier bébé-éprouvette. Longtemps accordée qu’aux simples couples mariés hétérosexuels, la PMA était pendant longtemps une source d’injustice pour les couples homosexuels et les personnes seules. Elle l’est toujours aujourd’hui pour certain.e.s.
La loi du 30 juillet 1994 vient encadrer la pratique. Elle pose des conditions à sa réalisation comme le fait que le couple doive être marié depuis deux ans et en âge de procréer. La loi de 2004 modifie cette exigence qui n’exige plus le mariage mais maintient l’hétérosexualité d’un couple dont les deux personnes doivent être vivant.e.s. En 2016, le Conseil d’État statue sur le fait que le décès du conjoint de genre masculin fait perdre le droit à la femme de procéder à une PMA.
Jusqu’à l’adoption récente de la nouvelle loi de bioéthique, la loi française sur la PMA était l’une des plus restrictives en Europe. Onze pays autorisaient déjà la PMA aux femmes seules et/ou aux couples de lesbiennes. Dans le cas du Danemark, les femmes homosexuelles (mariées) pouvaient y avoir recours depuis 1997, soit près de vingt-cinq ans avant la France. L’Espagne et la Belgique ont aussi depuis longtemps des législations plus permissives qu’ailleurs. Cela en a fait des destinations prisées pour les femmes seules et les couples de femmes lesbiennes cisgenres, empêchées par la législation française de réaliser leur projet d’enfant. Jusqu’à de timides évolutions…
À la suite d’un arrêt de la Cour de Cassation du 22 septembre 2014, adopter un enfant issu de PMA né.e à l’étranger est désormais possible au nom de la vie privée et de l’intérêt supérieur de l’enfant.
La PMA ouverte aux couples lesbiens et femmes célibataires cisgenres
Mais la plus grande avancée intervient avec la quatrième loi bioéthique du 2 août 2021. Elle ouvre le droit à la PMA aux couples de femmes, et femmes célibataires cisgenres. Dorénavant, en ce qui concerne la filiation, les couples de femmes doivent établir une reconnaissance conjointe auprès d’un notaire avant la naissance de l’enfant. Un amendement permet aux femmes cisgenres ayant réalisé une PMA de faire fonctionner ce droit de façon rétroactive (dans un délai de 3 ans). L’autoconservation des gamètes est également autorisée en dehors de tous motifs médicaux et sous conditions d’âges distinctes pour les femmes et les hommes.
… Mais des discriminations qui persistent
Des blocages dogmatiques sur la PMA
Depuis que la PMA existe, l’Église Catholique s’y oppose systématiquement. Elle ne reconnaît pas les enfants qui en sont issu.e.s car elle considère que cette démarche est “une production non naturelle”.
En outre, certain.e.s pensent également que la PMA conduirait à l’eugénisme (pratique consistant à sélectionner des individus en se basant sur leur patrimoine génétique). Tous ces arguments sont bien évidemment absurdes car provenant d’une société imprégnée de croyances “pro-vie”. Cela fait 40 ans que la PMA fait débat et ce n’est toujours pas fini.
Discriminations envers les personnes transgenres
Cette loi exclue une partie des couples : celle des couples composés d’une ou deux personnes transgenres. Que ce soit dans un couple lesbien ou hétérosexuel, si un.e des parents est une personne transgenre, le processus de PMA est tout de suite complexifié voire impossible. Ces refus du corps médical, protégés par les lois, sont la preuve que le système français est profondément transphobe. Anna Marchal, femme transgenre en démarche de PMA, a témoigné de cette injustice au micro de Konbini. Elle explique qu’il ne s’agit pas d’une PMA “pour toustes”, car les personnes non cisgenres en sont exclues.
Enfin, il y a quelques jours, le Conseil Constitutionnel a confirmé la transphobie de notre législation. Dans sa décision du 8 juillet 2022, il exclut la possibilité pour les hommes transgenres d’avoir recours à la PMA. Cette décision discriminante est fondée sur le principe d’égalité. Un recours devant la Cour Européenne est toujours envisageable.
La législation autour de la PMA et GPA prouve ainsi que nous vivons dans une société patriarcale et hétéronormée. Ainsi, si on ne répond pas à ce « système (ou cistème) politique », on est exclu.e.s et privé.e.s de droits.
Le cas de la gestation pour autrui (GPA)
La GPA a un statut particulier. Dans ce cas de figure, une mère porteuse (ou gestatrice) accueille un embryon et porte un enfant, remis après sa naissance à des parents commanditaires. La plupart des pays européens, y compris la France, l’interdisent. Le Royaume-Uni et la Grèce autorisent la GPA, uniquement si l’acte est désintéressé. Les frais médicaux sont pris en charge, mais la personne gestante ne perçoit pas de rémunération. La Russie et l’Ukraine l’autorisent sans restriction. Ailleurs dans le monde, des pays comme l’Inde, le Brésil, ou encore le Canada et les Etats-Unis autorisent la GPA.
La GPA suscite des débats au sein des courants féministes. Quand certain.e.s s’inquiètent de la marchandisation du corps féminin, d’autres arguent qu’il s’agit de disposer librement de son corps. L’interdire, par ailleurs, n’est pas une solution. En effet, les personnes désireuses d’y avoir recours se rendent à l’étranger. Cela crée ensuite des problèmes administratifs pour les enfants concerné.e.s, car on ne peut reconnaitre leur existence légale. Soulignons également que le soutien à la GPA, y compris pour les couples homosexuels, est actuellement au plus haut dans la société française, d’après une étude de l’IFOP.
Retrouvez dans quelques jours, sur le blog de DBSP, le témoignage d’Amélie et son parcours de PMA.
Mémorial CFP en hommage aux victimes de féminicides, janvier 2022
TW : féminicide, viol, violence
Féminicide : l’émergence d’un terme à l’historique bien rempli
Le terme féminicide fait son apparition en français qu’au XIXème siècle alors qu’on trouve ses précurseurs “femmicide” ou “femicide” dans la littérature du XVIIème et du XVIIIème siècle.
Qu’est ce qu’un féminicide?
Bien que faisant souvent référence aux assassinats de conjoint.e.s, le terme féminicide désigne une personne assassinée de genre féminin. Le terme a été popularisé au début des années 1990 par deux écrivaines britanniques, Jill Radford et Diana Russel lors de la publication de l’ouvrage Femicide, The Policitc of Woman Killing soit en français “ Feminicide, l’aspect politique du meurtre des femmes”. Ce mot n’entre au petit Robert qu’en 2015.
Il émerge dans les médias français début 2018, lorsque Jonathann Daval avoue le meurtre de sa femme, survenu en octobre 2017. C’est aussi cette affaire qui le rattache au meurtre d’une conjointe.
Côté étymologie, le terme est construit de la même façon qu’“homicide”. En latin, “homo” désigne les humains sans distinction de genre alors que “fēmĭna, æ” fait référence aux personnes de genre féminin. Le suffixe “cide” du latin cædo, cĕcīdī, cæsum, cædĕre signifie frapper, battre, abattre, tuer ou encore massacrer.
Enfin, notons que le féminicide est un crime sexiste. La victime, qu’elle soit femme, jeune femme ou enfant est tuée en raison de son genre.
Les différentes typologies du féminicide
Selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), il existe quatre catégories de féminicides : le féminicide intime, le féminicide non intime, le crime d’honneur et le crime de dot.
Lors d’un séminaire de l’UNODC (l’Office des Nations unies contre la Drogue et le Crime) sur le sujet, onze formes de féminicides ressortent incluant les quatre citées ci-dessus. La pluralité de catégories montre que si le féminicide est lié au genre de la victime, il ne se limite pas aux meurtres sur conjoint.e.s.
Vous êtes certainement familier.e.s du comptage des féminicides en France. Que ce soit par un post sur les réseaux sociaux ou dans d’autres médias, ce chiffre qui augmente presque tous les jours est toujours aussi glaçant. Voici ses origines et son fonctionnement.
Les débuts du comptage avec FPCE
En 2016, une bénévole d’un groupe Facebook féministe commence à compter les féminicides. Quelques mois après, elle arrête car la mission est moralement trop dure à supporter. Le groupe “Féminicides par compagnons ou ex” voit alors le jour.
FPCE a pour but de soutenir les familles des victimes et de faire reconnaître leur mort comme un féminicide. Pour mener ce travail titanesque, une grande équipe part à la recherche des féminicides dans les médias locaux. Pour les trouver, iels utilisent des mots clés (tels que “femme disparue”, “drame conjugal”, “femme morte” etc.).
En 2019, Caroline de Haas, l’une des fondatrice du mouvement #NousToutes, décide de relayer le comptage réalisé par FPCE. Ceci donnera une meilleure visibilité au mouvement et au comptage des féminicides. De nombreux autres médias relaient leurs chiffres. Leurs chiffres deviennent même une base pour le Grenelle des violences conjugales en septembre 2019.
En effet, comme expliqué précédemment, un féminicide est l’assassinat d’une personne de genre féminin. Or, FCPE n’intègre pas tous les homicides de femmes mais seulement ceux ayant eu lieu dans le cadre conjugal. Par conséquent, ce comptage invisibilise beaucoup de femmes telles que des personnes hors d’un couple, des femmes transgenres, des enfants, et des travailleuses du sexe.
Aujourd’hui, se pose la question de savoir si le comptage ne doit pas intégrer d’autres victimes de crimes sexistes tel que les hommes transgenres assassinés pour cette raison, les travailleureuses du sexe ainsi que les infanticides conséquents au meurtre sur conjoint. C’est le choix qu’ont fait les colleur.euse.s de CFP (Collectif Féminicides Paris) le 9 janvier dernier lors de l’affichage du mémorial parisien.
Féminicide, quelles statistiques ?
Avant d’aborder les statistiques des féminicides à proprement parler, penchons-nous sur la part de femmes dans le total des homicides volontaires.
Comme le montre le graphique ci-dessous, il y a largement plus d’hommes que de femmes tués par homicide volontaire. Par contre, dans la sous-catégorie des homicides familiaux, et plus particulièrement conjugaux, il y a beaucoup plus de femmes.
Autrement dit, les femmes sont moins souvent victimes, sauf dans le cas des homicides familiaux et conjugaux.
Nous l’avons vu, les méthodes de recensement des féminicides diffèrent, en toute logique les résultats aussi. Voici ci-dessous les résultats les plus récents issus des trois principaux comptages des féminicides en France pour l’année 2021.
Le féminisme doit beaucoup à la communauté LGBTQIA+ : égalité des droits, lutte contre le patriarcat… Ainsi, en ce mois des fiertés, DBSP, structure alliée des luttes LGBTQIA+, vous propose un petit condensé de culture G sur la Pride. Quelles sont ses origines ? D’où vient ce terme ? On terminera en vous suggérant quelques recommandations de lectures queers.
Aux origines de la Pride : la lutte pour l’égalité
Nous sommes à New York, en 1969. À cette époque (pas si lointaine…), l’homosexualité est quasiment illégale. Il est ainsi interdit de vendre de l’alcool à des personnes homosexuel.le.s, une mesure justifiée par le risque “d’atteinte à la pudeur”. Deux individus de même sexe qui dansent ensemble risquent d’être arrêtés. Les descentes de police dans les bars sont fréquentes. Mais cette fois-ci, le 28 juin, tout bascule.
La police lance un raid contre le Stonewall Inn, un bar du quartier de Greenwich Village. Celui-ci, propriété de la mafia, est connu pour être un lieu de rencontre pour les personnes marginalisées : personnes homosexuel.le.s, transgenres, drag queens, jeunes sans abri… La police procède à des contrôles et ordonne aux gens de quitter les lieux, mais ielles refusent d’obtempérer.
Une foule se forme devant le bar, des émeutes démarrent et se poursuivent pendant trois nuits. Les résident.e.s de Greenwich Village s’organisent, la communauté s’unifie. Suite à cet événement, des militant.e.s créent des journaux ou encore des associations de lutte contre les discriminations.
Le 28 juin 1970, en commémoration des émeutes, 2 000 manifestant.e.s défilent sur Christopher Street, toujours à New York. C’est la première Pride !
Pourquoi doit-on dire « Pride » ou « Mois des Fiertés » et non pas « Gay Pride » ?
Pride, Marche des fiertés, Gay Pride … Il existe beaucoup d’appellations pour décrire ces manifestations. Mais décrivent-elles le même événement ? Ont-elles la même portée ? On vous explique !
La Pride
C’est le terme anglophone utilisé pour qualifier ces manifestations qui rassemblent associations, personnes de la communauté LGBTQIA+ et allié.e.s. pour revendiquer l’égalité des droits. Le terme “pride” signifie “fierté” en français. Il est de plus en plus utilisé en France et dans le monde.
Les marches des fiertés
L’appellation « marche des fiertés » apparaît en France en 2001. Suite à un litige opposant des associations dont l’une avait déposé la marque « gay pride », l’association de l’Inter-LGBT en a changé l’intitulé.. Depuis, la plupart des manifestations en France portent le nom de “marche des fiertés”.
Gay Pride
Le terme “gay pride” s’est généralisé dans les années 1980 pour définir ces événements. Il s’agit du terme le plus utilisé dans le monde, celui qui s’impose dans l’imaginaire collectif. Mais en réalité, ”gay pride“ n’est pas un terme adapté. En effet cette appellation n’inclut que les hommes gays et de facto exclut les autres minorités comme les lesbiennes, les personnes transgenres, les non-binaires, les bisexuel.les, les asexuel.les et les intersexuel.les.
Ainsi le terme de “gay pride” peut être considéré comme discriminant car non inclusif et doit donc être abandonné. Il convient aujourd’hui d’utiliser le terme de “Pride“ ou ”marche des fiertés” de manière à coller à la réalité de ces manifestations et rendre justice à l’entièreté de la communauté queer.
Recommandations lectures de ce Mois des Fiertés/Pride
Le génie lesbien – Alice Coffin (2020)
Alice Coffin est une autrice, journaliste et militante féministe française qui en peu de temps s’est imposée comme une des plus grandes activistes lesbiennes et féministes actuelles. Dans cet ouvrage, elle y aborde son militantisme auprès du groupe féministe la Barbe, la PMA pour toustes, la libération de la parole après #MeToo et surtout de cette dominance qu’ont les hommes dans les sphères politiques et intimes. Un livre qui nous guide vers la radicalité et le combat féministe.
La pensée straight – Monique Wittig (1992)
Un véritable classique de la littérature lesbienne. Ce livre est un recueil d’articles féministes et lesbiens qui déconstruisent l’hétérosexualité ou encore le mythe de “la femme”. Pour Wittig, la pensée straight désigne l’hétérosexualité comme système politique. Elle le théorise dans un discours au Barnard College en 1979. Ce livre, au premier abord difficile d’accès, ouvre nos perceptions sur de nouvelles relations entre les genres.
Sortir de l’hétérosexualité – Juliet Drouar (2021)
Avez-vous déjà pensé l’hétérosexualité comme un système qui nous était complètement imposé ? Comme un système basé sur une différenciation aussi banale que celle de notre groupe sanguin ? C’est ce que Juliet Drouar nous explique dans cet essai. Pour lui, sans hétérosexualité, pas de binarité, et donc pas de sexisme. Dans la lignée de Monique Wittig, cet ouvrage vous fera ouvrir les yeux sur l’hétérosexualité comme système politique et sur les possibilités d’en sortir afin de vivre sans sexisme.
Que faire pour manifester et célébrer le mois des fiertés ? Quels sont les lieux et évènements queers à ne surtout pas rater sur Strasbourg ? On vous dit tout ici.
La Marche des Visibilités, un moment festif, et militant sur Strasbourg
La Marche des Visibilités, organisée par le collectif FestiGays, aura lieu le samedi 18 juin à Strasbourg. Notez la date ! Une marche débutera à 14h30 du Palais Universitaire après un discours introductif. Elle arpentera les rues de Strasbourg jusqu’à 17h au rythme de DJ sets.
Les Strasbourgeois.e.s aguerri.e.s le savent : cette marche vaut le détour. C’est le moment de se parer de toutes ses paillettes, de ses tenues extravagantes ; de faire flotter ses drapeaux et de subvertir toutes les normes !
De retour à la place de l’Université, l’ambiance festive sera toujours au rendez-vous ! Vous pourrez danser et vous enjailler, tout en arpentant les différents stands des assos présentes au village associatif.
Cette parade festive s’inscrit dans le “Mois des Visibilités”. Curieux.se de savoir ce qui se fait en termes d’événements à Strasbourg ? Suivez-nous…
Le Mois des Visibilités à Strasbourg : lieux et événements queers à checker
La Station LGTBI Alsace est un lieu citoyen, voué à être “la maison des personnes LGBTQIA+ et de leurs ami.e.s”. Il a pour missions d’accueillir et d’informer, de lutter contre les discriminations, de faire de la prévention en matière de santé. Il met également à disposition un espace culturel, composé d’un lieu d’exposition et d’une médiathèque. On peut même y prendre un café et louer une salle pour une réunion associative.
Le mois de la Pride est l’occasion de faire connaître La Station. A ce titre, la Grenze – bar et espace culturel,installé dans une ancienne friche ferroviaire – a organisé une “Queermess.e” le 11 juin. Les bénéfices récoltés vont à la Station. Au programme, des stands de fête foraine, une loterie, des concerts et DJ sets.
Vous êtes un.e adepte des drag shows ? Bonne nouvelle, il y en aura tout au long du mois de juin ! Citons la Parade, rue Sainte-Madeleine, le dimanche 12. Vous y verrez la Maison Marley en tenues de lumière, ainsi que la House of Labeija pour un voguing endiablé.
Le 19 juin, ne manquez pas la chorale LGBTQIA+ de Strasbourg, Pelicanto. Son spectacle, “La Casa Del Amor”, condense en deux heures musique, chorégraphie et théâtre. Le saviez-vous ? La chorale organise chaque année cet événement en juin, et il attire plus de 2000 spectateurs ! Cette année, ce sera à la Briqueterie (Schiltigheim).
Le Canapé Queer, bar ouvert à tou.te.s et dédié à la culture queer, célèbre aussi le mois des visibilités. Jusqu’au 19 juin se succéderont expos, rencontres, soirées à thème, special drinks… The place to be !
Sans oublier les événements et temps de rencontre récurrents tout au long du mois de juin dans les parcs strasbourgeois : ils sont à découvrir sur la page du collectif Festigays.
Pour retrouver tous les lieux et évènements queers sur Strasbourg …
Et sur Paris …
Dimanche 19 juin : Pride radicale. Une marche pour revendiquer un engagement antiraciste et anticapitaliste.
Le cyberharcèlement est un type de harcèlement aujourd’hui connu de toustes. Cependant, cette haine en ligne continue de se développer au même rythme qu’Internet et les réseaux sociaux. Certaines personnalités, victimes de haine en ligne, la combattent aujourd’hui à travers leurs réseaux d’influences.
Internet, un déversoir de haine ?
Quand Internet est apparu et s’est généralisé, les gens se sont dit, génial ! On va pouvoir échanger avec des gens du monde entier, tout le monde va pouvoir s’exprimer ! Sauf qu’assez vite, on s’est rendu compte qu’il y avait un problème. Certes, les idées circulaient plus rapidement. Mais du coup, les discours de haine aussi. Et c’est fou, toute la haine qu’on peut voir se déverser sur Internet.
Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. L’immédiateté des échanges libère des réactions affectives “à chaud” ; l’anonymat réduit les inhibitions ; on est “noyé dans la masse” même si on garde son vrai nom, sur Facebook par exemple ; les contenus peuvent circuler facilement en étant partagés ; n’importe lequel peut être commenté. Internet a créé un nouvel espace où le meilleur, mais aussi le pire de l’humanité peut s’exprimer. Cela a généré une nouvelle forme de violence : le cyberharcèlement, ou harcèlement sur Internet.
D’après Service-Publics.gouv, “Le harcèlement est le fait de tenir des propos ou d’avoir des comportements répétés ayant pour but ou effet une dégradation des conditions de vie de la victime. Cela se traduit par une dégradation de la santé physique ou mentale de la personne harcelée (anxiété, maux de ventre….) C’est la fréquence des propos et leur teneur insultante, obscène ou menaçante qui constitue le harcèlement. Le harcèlement en ligne est un harcèlement s’effectuant via internet (sur un réseau social, un forum, un jeu vidéo multijoueurs, un blog…)”. Il est certes puni par la loi, mais dans les faits, les procès sont rares ; peu de personnes sont poursuivies en justice. D’une part, parce qu’il est difficile d’identifier les auteurices et d’autre part, parce que peu de moyens sont mis à disposition.
Le cyberharcèlement touche souvent des personnalités publiques. Il peut être le fait de personnes individuelles cherchant à nuire à une célébrité, par la moquerie ou l’insulte, mais il peut aussi être mené de manière coordonnée, en “meute”. Les propos tenus ont souvent un fond discriminatoire : sexisme, racisme, grossophobie, homophobie, transphobie sont monnaie courante. Ils visent à blesser, à déshumaniser, à intimider les personnes visées, et in fine, à les faire disparaître du cyberespace. Il se trouve que le harcèlement de rue, une autre forme de violence sexiste, répond à la même logique – une logique de silenciation. Pour Florence Hainaut et Myriam Leroy, journalistes, il s’agit d’une véritable épidémie de haine envers les femmes et les minorités, qui se déroule dans l’indifférence générale. Et cette épidémie a des effets.
Debout contre les haters : du harcèlement en ligne à la résilience
Beaucoup de personnes ont fait et font encore aujourd’hui l’expérience de la haine en ligne. Certaines d’entre elles comme des journalistes, influenceureuses ou célébrités ont utilisé leur plateforme pour dénoncer ces violences et raconter leurs expériences.
Marion Séclin
Marion Séclin est une actrice, vidéaste web, réalisatrice et militante féministe française. En juin 2016, elle publie sur le site mademoiZelle.com une vidéo sur le harcèlement de rue : T’as été harcelée mais… t’as vu comment t’étais habillée ?. Suite à cette publication, le youtubeur d’extrême droite Raptor dissident critique le travail de Marion Séclin dans une vidéo où il tient des propos antiféministes et violents envers elle. La vidéo fait le buzz et la machine du cyberharcèlement se met en marche. La militante féministe dira alors avoir reçu plus de 40 000 messages d’insultes sexistes ou encore des menaces de viol et de mort. Depuis elle lutte contre le cyberharcèlement à travers son travail de réalisatrice ou en prenant la parole publiquement comme dans sa conférence TEDx de novembre 2017.
Julie Bullier
Julie (aka @lafillequiadestaches sur Instagram) a été victime de plusieurs formes de harcèlement, notamment de cyberharcèlement. Cette dernière a une particularité physique : elle est née avec des angiomes sur 70% du corps. Cette anomalie vasculaire fait apparaître des taches couleur rubis sur des zones plus ou moins larges du corps. Plus jeune, sa différence lui a valu le surnom de “la fille qui a des taches”. Voulant faire circuler un message de bienveillance, Julie organise un “tache-tache tour” au cours duquel elle participe à des ateliers dans les établissements scolaires (de tous niveaux). Elle sensibilise les élèves au fléau du harcèlement scolaire dans un premier temps mais les met aussi en garde contre les dangers des réseaux sociaux.
À l’heure actuelle, Julie est toujours victime de haters qui l’agressent essentiellement par rapport à son physique. Elle leur répond avec humour, en faisant de ses agressions une force. Solaire et pleine de joie de vivre, elle aide sa communauté à s’accepter tel.le.s qu’iels sont, à s’aimer.
Bilal Hassani
Bilal Hassani est un chanteur français. D’abord découvert sur l’émission The Voice Kids, il est surtout connu pour avoir participé à l’Eurovision en 2019 avec la chanson “Roi”, prônant l’acceptation de soi. Il est très présent sur les réseaux sociaux, par exemple YouTube où il compte plus d’un million d’abonné.e.s. Après avoir fait son coming-out sur Twitter en 2017, il adopte un look androgyne, s’illustrant par ses multiples perruques colorées. C’est à partir de ce moment-là qu’il devient victime d’une vague de cyberharcèlement homophobe très violente. ll décide de ne pas garder le silence : il porte plainte contre X et parcourt les plateaux télé pour parler du phénomène. Son histoire est à présent abordée dans un manuel scolaire d’histoire et d’éducation civique, dans un chapitre consacré au cyberharcèlement. Une belle initiative, qui contribuera à sensibiliser les jeunes à ce sujet.
Recommandations sur la haine en ligne
Documentaire #salepute – Florence Hainault et Myriam Leroy (2021)
Réalisé par les journalistes belges Florence Hainault et Myriam Leroy, ce documentaire de cinquante-sept minutes donne la parole à des femmes victimes de cyberharcèlement. Journaliste, entrepreneuse, youtubeuse, autrice, ou encore avocate, ces femmes de différentes origines témoignent du sexisme et des violences dont elles ont été victimes. Leur point commun ? Avoir subi de la cyberviolence comme 73% des femmes dans le monde. Preuve que le cyber sexisme est bel et bien un phénomène systémique.
Combattre le cybersexisme – Association Stop Fisha (2021)
D’après un sondage datant de 2020, les femmes ont 27 fois plus de possibilités d’être victime de cyberharcèlement que les hommes. Cet ouvrage engagé a été produit par le collectif Stop Fisha qui poursuit les harceleureuses, dénonce et apporte une aide juridique aux victimes de violences sur les réseaux. Ce livre est un guide pour les victimes et pour celleux qui veulent trouver des moyens de lutter contre le cybersexisme.
Féminisme et réseaux sociaux – Elvire Duvelle-Charles (2022)
Dans cet essai, l’activiste, journaliste et réalisatrice Elvire Duvelle-Charles a recueilli différents témoignages d’influenceuses féministes. Iels ont participé à l’explosion du militantisme féministe sur les réseaux sociaux. Néanmoins, elles parlent aussi de ce qu’une telle influence peut générer: addiction, crise du militantisme et aussi haine en ligne. L’autrice nous fait aussi part de son expérience personnelle avec les réseaux sociaux et de la violence que produit ce « militantisme digital ».
En finir avec les violence sexistes et sexuelles – Caroline De Haas (2021)
Le célèbre manuel d’action conçu par l’association #Noustoutes et sa présidente Caroline De Haas est un livre d’utilité publique. Les auteurices y déclinent en trente-sept chapitres les différentes sortes de violences auxquelles les personnes sexisées peuvent être confrontées. Un chapitre est d’ailleurs consacré au cyberharcèlement. On y trouve des solutions juridiques ainsi que des moyens d’actions pour lutter et tenter d’éradiquer les violences sexistes et sexuelles.
Bibliographie
MONNIER Angeliki et SEOANE Annabelle, « Discours de haine sur l’internet » Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 12 juin 2019. Dernière modification le 23 août 2021. URL : http://publictionnaire.huma-num.fr/notice/discours-de-haine-sur-linternet
Le travail a une grande importance dans notre vie. Au-delà de gagner son pain, il s’agit aussi de se réaliser, de s’épanouir, d’être reconnu.e. Mais que faire quand travailler devient un calvaire ? Entre les bullshit jobs, le manque de reconnaissance, la perte de sens, une mauvaise organisation, trop de tâches à effectuer, un environnement désagréable, des collègues antipathiques… Beaucoup de facteurs peuvent nous amener à nous sentir mal au travail. Comment savoir si ce qu’on vit relève du harcèlement au travail, c’est-à-dire de comportements punissables par la loi ? Et dans ce cas, que faire ?
Dans cet article, nous passerons en revue les deux principaux types de harcèlement auxquels on peut être confronté.e, d’autant plus si on est une personne sexisée : le harcèlement moral et le harcèlement sexuel.
Comment reconnaître le harcèlement moral au travail ?
Vous vous êtes déjà senti.e mal au travail, au point que vous en perdiez l’appétit, le sommeil, voire même la joie de vivre ? Vous avez peut-être subi du harcèlement moral.
D’après la psychiatre Marie-France Hirigoyen, “le harcèlement moral au travail se définit comme toute conduite abusive (geste, parole, comportement, attitude…) qui porte atteinte par sa répétition ou sa systématisation, à la dignité ou à l’intégrité psychique ou physique d’un.e salarié.e, mettant en péril son emploi, ou dégradant le climat de travail”. Le harcèlement peut être vertical descendant (c’est-à-dire suivant la ligne hiérarchique, ce qui arrive le plus souvent), horizontal (on est harcelé.e par un.e ou des collègues du même niveau) ou vertical ascendant (quand des salarié.e.s s’allient contre un.e responsable hiérarchique, ce qui est plus rare).
Les conduites abusives peuvent recouvrir un excès ou au contraire une absence de tâches, des tâches dévalorisantes, l’isolement et la mise au placard, des consignes contradictoires, des critiques injustifiées et répétées sur le travail, des pressions disciplinaires, des agressions verbales… Le harcèlement est souvent insidieux. Comme pour toute forme de violence psychologique, les premiers agissements sont subtils et infusent le doute chez la personne ciblée. Il lui devient alors de plus en plus difficile de se défendre.
Le harcèlement moral est un enjeu féministe, pour plusieurs raisons. Même si les études ne sont pas toutes d’accord là-dessus, la plupart indiquent que les femmes en seraient davantage victimes que les hommes. Cela tient au fait qu’elles sont plus susceptibles d’occuper une position subalterne, d’une part, et donc d’être dans des relations de pouvoir inégalitaires. On peut ajouter à cela la dépendance économique : compliqué de dénoncer des comportements inappropriés au travail si l’on dépend fortement de celui-ci pour vivre, ou parce qu’on est mère célibataire par exemple. Enfin, l’éducation joue un rôle. On apprend aux femmes à être “trop gentilles, trop compréhensives et tolérantes”, comme le dit Marie-France Hirigoyen ; or les harceleur.euse.s en profitent.
Ce bon vieux syndrôme de l’imposteur, ou d’imposture – tant il touche plus souvent les femmes – qui inculque le doute permanent, le sentiment de ne pas être à la hauteur, est aussi un terrain fertile pour le harcèlement. Connaissiez-vous le “syndrome de la bonne élève” ? Il consiste à vouloir tout faire parfaitement pour satisfaire sa hiérarchie, sur le même modèle qu’à l’école. On a du mal à dire non, on rogne sur son temps de pause pour travailler plus, on n’ose pas se mettre en avant, et on attend que la reconnaissance pour son travail aille de soi. Dans une situation de harcèlement, les “bonnes élèves” tiennent plus longtemps, elles augmentent leurs efforts, alors que les harceleur.euse.s en demandent toujours plus, sans fin. Pour cette raison, l’avocate Elise Fabing, spécialiste en droit du travail, recommande de s’en défaire pour se préserver.
Le harcèlement sexuel au travail
Le harcèlement sexuel est très proche du harcèlement moral, en ce qu’il porte atteinte à la dignité des personnes. En droit, il est défini comme « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou des comportements à connotation sexuelle ou sexiste, qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. C’est aussi le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou d’un tiers ».
Il recouvre par exemple l’envoi de messages insistants, des contacts physiques indésirés, des regards gênants, des gestes et bruits obscènes. Il se distingue de la séduction – évidemment – car le consentement n’est pas pris en compte. Il ne s’agit pas de séduire, mais d’asseoir un pouvoir, une domination. Votre manager.euse vous envoie des messages à longueur de temps, commentant votre physique ou vous proposant des actes de nature sexuelle ? Vous lui avez fait part de votre refus, ou fait comprendre que vous n’êtes pas intéressé.e, mais ça continue ? Votre équipe vous impose la vue d’images pornographiques sur votre lieu de travail ? Vos collègues vous font constamment des “blagues” à connotation sexuelle ? Ces agissements peuvent tomber sous le coup de la loi.
Les premiers procès pour harcèlement sexuel ont lieu dans les années 1970 aux Etats-Unis, en même temps qu’éclot la “deuxième vague” féministe. En France, les premier textes de loi qui le reconnaissent datent de 1992. L’évolution est lente ; l’étude « Violences sexistes et sexuelles au travail en Europe » en 2019 indique que 60% des femmes ont été victimes d’une forme de sexisme ou de harcèlement sexuel au cours de leur vie professionnelle, dont 21% au cours des 12 derniers mois, et les poursuites sont rares. Cette violence fait obstacle à l’intégration des femmes sur le marché du travail, notamment dans des secteurs à dominante masculine. C’est donc un enjeu d’égalité.
Harcèlement moral et sexuel, que faire ?
Notre premier conseil est : PARLER. À vos ami.e.s, votre famille, un.e collègue, un.e prof si vous êtes stagiaire ou apprenti.e… À vous de choisir ! Briser le silence est la première étape pour diminuer l’impact du harcèlement sur votre état physique et mental. Cela vous aidera à prendre du recul sur la situation, à trouver des solutions et traverser cette période complexe en étant accompagné.e. Si vous vous sentez mal, physiquement et/ou psychologiquement, consulter un.e médecin vous permettra d’être arrêté.e le temps nécessaire. Préserver votre santé est le plus important.
Dans le but de dénoncer le harcèlement subi, il vous faut accumuler des preuves. N’hésitez pas à prendre des photos si la situation s’y prête, mais également à noter le harcèlement moral dont vous êtes victime. Date, heure, lieu, phrase dite, personnes présentes, soyez le/la plus précis.e possible dans vos notes. Les preuves écrites sont celles qui ont le plus de poids : mails et messages (SMS, chat d’entreprise etc…) sont à sauvegarder sur une clé USB personnelle par exemple. L’avocate Elise Fabing conseille aussi de susciter l’écrit : ainsi, suite à une réunion désagréable, envoyer un message à un.e collègue (par exemple, “tu as vu comment iel m’a parlé ?!”) et sauvegarder sa réponse permettra d’attester que ces propos ont bien été tenus.
Preuves en main et afin que des mesures soient prises contre le/la harceleur.euse, il est indispensable d’alerter votre hiérarchie. Manager.euse, directeur.ice, service RH, délégué.e.s du personnel… Selon l’organisation de votre entreprise, vous avez le choix de l’interlocuteurice auquel.le vous adresser.
Lors de cet entretien avec votre hiérarchie, n’hésitez pas à vous faire accompagner par un.e représentant.e du personnel ou même un.e membre d’une association (comme DBSP). Cela vous aidera à passer le pas, souvent compliqué, de cette discussion mais aussi vous assurera d’avoir un.e témoin neutre pour garantir la traçabilité des échanges. Réalisez un compte-rendu par mail de ce rendez-vous afin d’avoir, toujours, une trace écrite pour compléter votre dossier. Cela vous permettra également de vous prémunir d’un licenciement abusif : votre employeur.euse ne peut pas vous licencier si vous pouvez attester que vous êtes victime de harcèlement moral ou sexuel. C’est bon à savoir !
Note : L’employeur.euse est tenu.e par la loi d’effectuer une enquête interne pour tout dépôt de plainte pour harcèlement. Celle-ci peut être déposée auprès de l’employeur.euse par la victime ou tout.e représentant.e du personnel.
Selon la culture de votre entreprise et la situation, une médiation pourra être organisée. Il est primordial que vous gardiez des documents écrits de toutes les étapes, échanges entre vous et votre employeur.euse, entre vous et votre harceleur.euse. La plupart des conflits se résolvent à l’amiable, en fonction de vos conditions et de votre situation. Si vous souhaitez quitter l’entreprise, vous aurez ainsi la possibilité de négocier votre départ, c’est-à-dire recevoir une somme d’argent conséquente qui vous aidera à rebondir. Si vous voulez rester, vous pouvez demander à être réaffecté.e sur un autre poste.
Si les réponses et solutions apportées par votre employeur.euse ne vous satisfont pas, vous pouvez vous tourner vers la justice. Pour cela, plus votre dossier sera documenté, plus son traitement devrait en être facilité. Il faut savoir que les délais sont longs, mais qu’heureusement, avec un dossier solide, l’issue peut vous être favorable !
Alors, faites changer la peur de camp et pour cela, n’oubliez pas que vous n’êtes pas seul.e !
Bibliographie
ADAM Patrice, Harcèlements moral et sexuel en droit du travail, Dalloz, 2020
FABING Elise, Manuel contre le harcèlement au travail, Hachette Pratique, 2021
HIRIGOYEN Marie-France, Le harcèlement moral au travail, Presses Universitaires de France, 2017
Pour aller plus loin sur le harcèlement au travail …
Manuel contre le harcèlement au travail, Elise Fabing, 2021
L’avocate Elise Fabing, spécialiste du droit du travail et militante pour l’accès aux droits, nous livre ici ses conseils au sujet du harcèlement au travail. Comment le reconnaître ? Que faire ? Quel est le cadre légal? L’ouvrage est clair, dynamique, concret, avec des témoignages, des modèles de courriers et tous les recours légaux pour contre-attaquer. Un indispensable à lire d’urgence, car comme le dit l’autrice, “le savoir, c’est le pouvoir !”.
Le harcèlement au travail, DBSP Emanouela Todorova, septembre 2021
Dans cet épisode du podcast de DBSP, Emanouela Todorova définit les différentes formes que peut prendre le harcèlement au travail, comment le reconnaître et lutter contre les harceleur.euse.s. Pour discuter de ce thème, elle a choisi d’interviewer des personnalités qui luttent contre ce type de harcèlement. Vous pourrez y écouter les conseils de l’avocate Elise Fabing, le témoignage d’Anne Boistard sur le harcèlement dans le milieu publicitaire ou encore les solutions d’Ariel Weindling, créateur de l’application #Notme de lutte contre le harcèlement en milieu professionnel. L’épisode 2 du podcast est disponible ici.
Un autre regard – Emma, 2017
Dans cette bande dessinée, l’autrice et blogueuse Emma illustre des situations issues de son vécu. Elle y présente une dizaine d’expériences, plus ou moins personnelles, comme le baby blues, le statut des réfugié.e.s ou encore le retour au travail après un congé maternité. Avec humour, elle illustre le sexisme ordinaire dont nous ou nos proches sommes toustes victimes. Cet ouvrage engagé nous offre « un autre regard » sur ces situations du quotidien. Autres ouvrages de la même autrice sur ces mêmes thèmes : Tome 2 et 3 d’Un autre regard.
Le sexisme au travail, fin de la loi du silence ? – Brigitte Grésy, 2017
Un essai sur le sexisme ordinaire au travail qui répertorie différents comportements et actes dont sont victimes les femmes dans le milieu professionnel. Aujourd’hui présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, l’autrice, Brigitte Grésy, présente dans cet ouvrage nombre de solutions juridiques et d’actions à mener pour lutter contre le harcèlement en entreprise.
(TW SUICIDE) Désormais reconnu comme un délit, le harcèlement scolaire continue de faire de nombreuses victimes chaque jour. Au-delà des institutions, des personnes comme Laurent Cottin, avec son association, continuent de s’engager dans la lutte contre le harcèlement scolaire.
N.B. : le dossier est toujours en cours d’instruction.
Polina, son histoire, le harcèlement, son suicide
Polina est née le 04 août 2000 à Riga (Lettonie), décédée le 05 mars 2018 à Saintes (Charente Maritime) par pendaison à la suite de harcèlement scolaire.
Adoptée par Laurent et Sophie à l’âge de trois ans, elle avait trois grands frères (deux du côté de Laurent nés d’une précédente union) et le dernier Kevin, lui aussi adopté en Lettonie.
Polina était une jeune femme gentille, aimée et aimante. Elle avait pour passion l’histoire, les antiquités, les vieilles voitures et les vieilles pierres. Elle parlait plusieurs langues et était à haut potentiel intellectuel. Polina était lesbienne et arborait un style dit « atypique ». Elle était très bien acceptée au sein de sa famille et de son entourage.
Scolarisée dans un lycée professionnel de Charente Maritime, le harcèlement (ou “les problèmes”, comme dit son père) a commencé dès son arrivée dans cet établissement en septembre 2017.
Très proche de son père, c’est ce dernier qui a commencé à percevoir des signes de mal être. Polina est alors agressive, elle se plaint de maux de ventre, n’est pas dans son état habituel. Elle ne veut plus aller à l’école alors qu’elle adore sa formation. Ses parents étant en instance de divorce à ce moment-là, Laurent se demande si ce n’est pas à cause de cela que sa fille ne va pas bien. Une semaine sur deux elle va chez son père. Aucune de ses habitudes n’avait changé. Elle apprends à conduire, sort voir des ami.e.s.. Deux jours avant son suicide, Polina fait la fête avec plusieurs d’entre elleux dans un bar à la Rochelle, comme à chaque fois qu’iels se retrouvent ensemble. La veille, elle a même pensé à appeler sa grand-mère pour lui souhaiter bonne fête.
Le lundi matin, elle se plaint une nouvelle fois de maux de ventre à son père. Il lui demande de faire l’effort d’aller en cours quand même. Vers 11h45 du matin, Sophie, la mère de Polina, appelle Laurent pour lui annoncer que Polina a disparu, qu’elle a quitté l’établissement scolaire. Pris de panique, Laurent appelle Polina qui lui répond (elle n’avait pas répondu aux appels des autres personnes). Elle dit à son père “Papa pourquoi je n’ai pas d’ami.e.s, pourquoi iels vont encore me battre?” Laurent demande à sa fille de retourner à l’établissement. Dans la foulée, il appelle la structure scolaire qui répond qu’iels ont la situation en main. Polina est retrouvée quelques instants plus tard, pendue au sein même du lycée.
Suite à ce terrible événement, les parents de Polina décident de porter plainte afin que toute la lumière soit faite sur cette histoire. Polina n’est pas la première personne à se suicider à cause du harcèlement scolaire et ne sera malheureusement pas la dernière. Un premier procès a eu lieu en mars 2022 car l’enquête a permis de trouver que Polina avait été assistée dans son suicide. L’instruction est toujours en cours. L’accusé qui a été condamné a fait appel à la décision de justice. Polina a été reconnue en tant que victime. Une première victoire pour la famille et les proches.
Laurent : victime lui aussi de harcèlement, son “après-Polina”
Chez sa fille, Laurent a reconnu des stigmates de ce qu’il a vécu plus jeune, les stigmates du harcèlement scolaire. Car oui, Laurent en a aussi été victime. Vivant en banlieue parisienne, issu d’une famille ouvrière, Laurent était scolarisé dans une école privée. Lorsque la blouse était obligatoire, tout allait bien. Le jour où les élèves sont venu.e.s vêtu.e.s de leurs propres vêtements, Laurent fut la cible de moqueries et de plusieurs harceleureuses en raison de son style vestimentaire : il ne portait pas de vêtements de marque comme la plupart de ses camarades. À l’âge de 16 ans, une agression le mena même à être hospitalisé plusieurs jours.
Les grand-parents de Polina ont su à son décès que leur fils avait été victime de harcèlement scolaire. Un ami de Laurent est venu leur rendre visite ; c’est ce dernier qui a osé en parler pour la première fois, plus de 40 ans après les faits. Laurent a de suite ressenti un énorme soulagement, comme si on lui enlevait un poids qu’il portait depuis tant d’années. Ce harcèlement a hanté Laurent pendant une longue période de sa vie. Au niveau professionnel, il voulait toujours tout réussir, être le premier afin de n’avoir personne au-dessus de lui qui puisse le harceler. Sa façon de penser est “tant que je suis en haut, je peux protéger les autres en bas”. Aujourd’hui à la retraite, il était éducateur spécialisé auprès d’enfants et d’adultes en situation de handicap.
Après le suicide de Polina, Laurent rentre dans un nouveau chemin de vie. Accompagné de Sophie, la maman de Polina, celui qui a toujours été là pour les autres mettra tout en oeuvre pour faire la lumière sur le suicide de leur fille. Au fil des jours, iels apprendront que le harcèlement scolaire n’est pas reconnu ni par l’Education Nationale ni par l’Etat. Que les victimes sont bien plus nombreuses que ce que l’on pense. Mais surtout que les peines dispensées par la justice ne sont pas à l’image des actes commis. Ils en seront eux mêmes témoins en mars 2022 lors d’un procès concernant le suicide de Polina.
Création de NHS 17 (non au harcèlement scolaire)
À la suite du suicide de Polina, Laurent crée l’association de lutte contre le harcèlement scolaire NHS 17 en octobre 2020. Avec ses bénévoles, il intervient gratuitement dans les établissements scolaires de Charente-Maritime (communauté d’agglomération rochelaise) afin de sensibiliser les élèves du CP jusqu’en CM2. Cette sensibilisation se fait par le biais d’une vidéo puis d’échanges avec les élèves. Des rencontres et des sorties sont aussi organisées afin de permettre aux victimes de retrouver de la confiance en elleux, une estime de soi.
L’association de lutte contre le harcèlement scolaire insiste aussi sur le fait de faire comprendre aux victimes qu’elles sont bien victimes. Qu’elles ne sont surtout pas coupables des situations de harcèlement rencontrées.
Il faut savoir qu’actuellement, en France, il y a environ 700 000 élèves victimes de harcèlement scolaire.
Laurent souhaite aider les victimes mais aussi apporter son soutien aux parents. Certains parents se sentent démuni.e.s ou n’arrivent pas à éclaircir la situation (est-ce réellement du harcèlement?). Beaucoup de parents le contactent, notamment via les réseaux sociaux, afin de pouvoir s’exprimer, dans un premier temps, et ensuite pour savoir comment faire face à cette situation qui met, dans les cas les plus extrêmes, la vie de leurs enfants en danger.
De plus en plus d’associations de lutte contre le harcèlement scolaire comme NHS17 voient le jour partout en France pour agir contre ce fléau, encore mal compris et certaines fois pas pris au sérieux. Signe d’une impulsion de la société civile qui a à cœur de faire changer les choses et luttera inlassablement, jusqu’à ce que le harcèlement scolaire ne soit plus qu’un mauvais souvenir. Laurent et ses allié.e.s ne lâcheront rien.
Si vous êtes vous même victime de harcèlement il existe des numéros d’urgence. Rien ne justifie la violence.
La lutte contre le harcèlement de rue est abordée différemment par chaque pays d’Europe. Tour d’horizon des initiatives dans la matière.
Le harcèlement de rue, une forme de violence sexiste et sexuelle
Le harcèlement de rue regroupe plusieurs types de comportements : regards insistants, propos déplacés, sifflements ou encore gestes intrusifs, susceptibles de créer de la tension et de la peur chez la personne qui les reçoit. Ils s’assimilent à du harcèlement par leur caractère répété, même venant de personnes différentes. Cette répétition et cette tension peuvent pousser la victime à se sentir mal à l’aise dans l’espace public. En cela, le harcèlement de rue s’inscrit dans un ensemble de pratiques visant à exclure certaines personnes de cet espace.
On considère de plus en plus qu’il fait partie d’un continuum de violences sexistes et sexuelles, dont il peut être l’un des premiers éléments visibles. Les faits de harcèlement sont d’ailleurs la forme la plus répandue de violence sexiste ou sexuelle dans l’espace public : ils sont inhérents à la rue. De plus, ces faits de harcèlement sont majoritairement produits par des hommes à l’encontre de femmes (ou personnes perçues comme telles), renforçant la violence sexiste qu’ils exercent.
En France, le harcèlement de rue, qualifié par la loi du 3 août 2018 “d’outrage sexiste”, est puni de 90€ à 1500€ d’amende depuis le renforcement de la loi sur les violences sexuelles et sexistes.
Qu’en est-il chez nos voisins européens ? Comment s’attaquent-ils au problème ? Et que pouvons-nous en apprendre ?
En Allemagne : le “catcalling”, peut-être bientôt puni par la loi
Le terme “catcalling” est utilisé pour qualifier ce que nous entendons par “harcèlement de rue”. Actuellement, il n’est pas puni par la loi, contrairement à d’autres faits qui relèvent des violences sexistes et sexuelles (harcèlement sexuel, insulte sexiste, agression sexuelle…). Pour les associations féministes militant en faveur d’une législation sur le “catcalling”, la situation actuelle est ubuesque. L’impunité est totale, alors même que l’on sait que le harcèlement de rue fait partie du continuum des violences sexistes et sexuelles. Il est même devenu un véritable fléau en Allemagne, un pays qui semblait pourtant mieux placé que la France en la matière.
Cette “zone grise” et cette impunité ont fait réagir la jeune militante Antonia Quell, créatrice d’une pétition en faveur de la pénalisation du harcèlement de rue. Des commentaires comme “ey, blondie” ne sont pas des compliments et sont oppressifs, a-t-elle expliqué au journal Fuldaer Zeitung. Il ne s’agit pas de drague, mais de domination.
Soutenue par plusieurs associations féministes, telles UN Women Deutschland et Terre des femmes, la pétition a obtenu 67.900 signatures et a suscité de nombreuses réactions au Bundestag, le parlement allemand. Plusieurs député.e.s, surtout des Verts et issu.e.s des partis de gauche Die Linke et le SPD, y ont apporté leur soutien. La pétition est actuellement en cours d’examen et pourrait déboucher sur un projet de loi de lutte contre le harcèlement de rue. Ajoutons que l’Allemagne étant un État fédéral regroupant plusieurs Länder, certains d’entre eux pourraient choisir de se doter d’une telle législation de manière autonome.
Le cas français est cité en exemple dans cette pétition : “En France, le harcèlement de rue est puni par la loi depuis 2018, avec des amendes pouvant aller jusqu’à 750 euros”. Cette comparaison sert à souligner le retard de l’Allemagne en la matière, un retard honteux et incompréhensible pour Antonia Quell. Mais arrêtons-nous sur ce choix. La France est-elle vraiment un modèle ?
Il est vrai que la loi française est une première mondiale ; cependant, elle est loin d’avoir tout réglé. D’après France Info, en 2020, 1292 amendes d’un montant de 90 euros ont été dressées pour “outrage sexiste”. Seulement 2 % des victimes portent plainte et seuls 25 % des harceleurs sont mis en cause. Or ces chiffres demeurent largement insuffisants : en 2017, 700 000 personnes auraient subi une agression sexuelle dans l’espace public en France. Alors certes, la présence d’une loi est nécessaire pour envoyer un signal fort : le harcèlement est grave, ces comportements sont inacceptables. “Reconnaître qu’il y a quelque chose de répréhensible, c’est reconnaître qu’il y a un problème”, affirme Antonia Quell. Cependant, la seule existence de la loi ne suffit pas à éradiquer le phénomène. La réponse répressive montre ses limites, ce qui peut aussi s’expliquer par les faibles budgets de la justice en France comparée à d’autres pays européens. Qu’en est-il du côté de l’Espagne ?
L’Espagne, un modèle en matière de législation pour la France ?
Alors que la législation française est citée en exemple en Allemagne dans le domaine de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, de nombreuses associations et journalistes français.es renvoient au système juridique espagnol, qui semble porter ses fruits. Le nombre de féminicides est par exemple plus bas qu’en France et en baisse de manière générale.
Si les lois espagnoles semblent être plus efficaces et plus avancées par rapport à celles des autres pays européens, le harcèlement de rue y serait plus présent. En effet, selon une étude menée par l’Ifop en 2019 dans cinq pays de l’Union européenne (Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Unis) ainsi qu’aux Etats-Unis, l’Espagne serait le pays où les personnes sexisées sont le plus souvent la cible de harcèlement de rue. 86% des personnes interrogées dans le cadre de cette étude affirment subir du harcèlement dans la rue, alors que la moyenne européenne se situe à 65%.
En 2021 un nouveau projet de loi de «liberté sexuelle» aussi surnommé « Sólo sí es sí» (seul un oui est un oui) est adopté par le gouvernement espagnol, afin de durcir la législation. Ce projet de loi, présenté par Irene Montero, en charge des questions d’égalité au sein du gouvernement, modifie la qualification du viol, qui ne pouvait auparavant être retenu qu’avec violence ou intimidation et met la notion du consentement au centre. Le harcèlement de rue y est défini comme le fait de « s’adresser à une autre personne avec des expressions, comportements ou propositions à caractère sexuel qui créent à la victime une situation objectivement humiliante, hostile ou intimidante ». Le texte de loi considère pour la première fois, le harcèlement de rue comme un délit (passible de 5 à 30 jours de contrôle judiciaire et de travaux d’intérêt général), une disposition qui se rapproche du texte de loi français tout en allant plus loin ; chez nous, l‘«outrage sexiste » est une simple infraction punie par une contravention.
En cas de harcèlement, la législation espagnole veut également s’assurer que les victimes soient accompagnées et protégées. Elle propose par exemple une disposition de lutte contre le harcèlement de rue permettant d’éviter au juge de poser des questions trop intimes et non nécessaires au tribunal. Par ailleurs, le texte encourage les initiatives de documentation et de collecte de données sur les violences sexuelles et sexistes au sens large, afin de donner une visibilité et de poursuivre la lutte engagée. Ce nouveau texte, préparé depuis 2020 s’inspire à la fois d’une loi suédoise datant de 2018 qui définit le viol comme tout acte sexuel sans accord explicite, ainsi que de la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe, sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et de la violence domestique.
Pour résumer, l’Espagne cherche, par le biais de la législation, mais également grâce à des outils pédagogiques et de sensibilisation, à lutter contre le sexisme dans toutes les strates de la société : elle considère que les violences sexistes et sexuelles telles que le harcèlement de rue en sont le symptôme.
La lutte contre le harcèlement de rue, un chantier pédagogique
Au-delà de la punition de l’outrage sexiste par une amende, certaines législations ont fait le choix d’agir directement sur l’espace public. C’est le cas avec le déploiement d’agents de sécurité sur la voie publique, comme l’avait annoncé Marlène Schiappa en 2021. La ministre avait aussi proposé de construire un baromètre du harcèlement de rue pour cartographier les zones les plus touchées, révélant que les transports étaient un lieu propice aux outrages.
Certains acteurs ont fait le choix d’agir concrètement, en offrant des outils de défense aux femmes, comme des sifflets, des alarmes, des applications dédiées, des refuges dans des safe places, voire en séparant les femmes des hommes. C’est le cas du Japon, qui a instauré des wagons dans les transports réservés aux femmes. Ces initiatives rendent les femmes responsables de leur propre sécurité. Or, pour lutter plus globalement contre le phénomène, il faut s’adresser à toute la population, et en premier lieu aux agresseurs.
De grandes campagnes de sensibilisation ont été menées par plusieurs villes et pays pour éduquer le public au sujet du harcèlement de rue et rendre visible l’expérience des femmes. Ces campagnes de communication sont parfois problématiques, comme les initiatives de la RATP qui animalisaient le harceleur et donc le déresponsabilisaient. En 2015, la campagne “stop, ça suffit” du gouvernement français illustrait des propos de harcèlement de rue de manière à souligner leur violence, mais de manière assez stéréotypée. À Londres, le maire Sadiq Khan a pris une autre approche. Une campagne de sensibilisation récente invite ainsi les hommes à “dire quelque chose” s’ils sont témoins et à réfléchir à leur propre attitude envers les femmes, afin de les rendre acteurs du changement.
La lutte contre le harcèlement de rue ne pourra pas se faire sans que les hommes y mettent du leur. Elle ne pourra pas non plus se faire sans qu’il soit reconnu comme un véritable problème sociétal et politique. Un véritable chantier pédagogique doit se mettre en place, dès le plus jeune âge, afin que ces comportements disparaissent enfin de l’espace public.
Bibliographie :
Maya Mihindou, “En finir avec le harcèlement de rue”, Ballast, 2014/1, n°1, p.52-63
Liz Kelly, Marion Tillous (trad.), “Le continuum de la violence sexuelle”, Cahiers du genre, 2019/1, n°66, p.17-36
Carole Gayet-Viaud, “Le harcèlement de rue et la thèse du continuum des violences”, Déviance et Société, Médecine et Hygiène, 2021/1, n°45, p.59-90